Bayram a réalisé une trentaine de livres de 1987 à 2008 dans la grande lignée de la tradition des livres d’artiste. Chaque ouvrage de Bayram a une identité forte et unique. Il accordait autant d’importance au choix du papier, à la présentation qu’à la mise en page toujours spécifiques et porteurs de sens.

Il en résulte des objets originaux, tirés en nombre limité et signés, avec parfois quelques exemplaires de tête façonnés en coffret ou en bois, véritables œuvres d’art.

Bayram détenait les commandes tant de la forme que du contenu, mais aussi de la réalisation, avec l’appui des Editions Artsiris.

Excepté ses quatre premiers ouvrages qui ont été imprimés en offset ou en typographie, Bayram a développé un savoir-faire unique de l’impression en estampe numérique dès 1995 en utilisant des papiers d’art.

En cela, il est un des précurseurs de l’impression numérique d’art. Il a très vite compris la grande libération que présentaient pour l’artiste les techniques de création et d’impression numériques. En intégrant la fabrication, il a pu maîtriser son travail de la conception à son édition et ainsi offrir au monde des beaux objets de haute qualité factuelle, fruits d’une créativité intarissable.

Il inaugure en 1997 avec « Eros Tics » son premier livre totalement made in Bayram.

Dès lors, il va explorer des registres poétiques insoupçonnés et une manière de conter en images merveilleuses.

Bayram refusait tout systématisme. Toutefois, nous nous autorisons à classer sommairement ses ouvrages en trois catégories :

«Les Diseries », des textes courts illustrés d’une lettrine dans la tradition des contes orientaux et des enluminures persanes ou médiévales. « Les Blâ-blâsseries » sont un avatar des Diseries en plus iconoclastes et s’y rattachent dans leur conception.

Les « portfolios de photos », sortes d’écrins où Bayram présentent une douzaine ou une vingtaine de photos, répondant à une logique régie par lui seul et adaptés aux sujets qu’il développe.

D’autres ouvrages, où il unit images et mots en une harmonie intrinsèque et que Bayram sous-titre souvent « Diseries », car il y donne une place importante au texte.

Les livres de Bayram sont, en outre, dans les collections de la Bibliothèque nationale de France.

En 2008, Bayram fait appel aux Éditions Transphotographic Press pour réaliser un ouvrage grand public d’un florilège de ses photographies qu’il recouvre sous le titre évocateur : « Les Jeux-bilatoires », avec le soutien de la marque LEÏCA.

Voici à présent un témoignage qui illustre parfaitement l’originalité et la spécificité des livres de Bayram, mais aussi de l’ensemble de son œuvre tant picturale que photographique.

Je me suis plongée dans la lecture de deux livres de Bayram « Les Diseries 2 » et le livre de photos « Les Jeux-bilatoires » et j'ai retrouvé l'esprit de Bayram, son amour des mots et son intérêt pour les images signifiantes, les images qui parlent.

En regardant ses livres, j'ai pensé à un roman d'Orhan Pamuk que j'ai beaucoup aimé, « Mon nom est Rouge », qui raconte une intrigue meurtrière dans les ateliers d'enluminure du sultan à Istanbul au XVIe siècle, où l'image et sa symbolique ont plus d'importance que les vies humaines.

Et je me suis dit que Bayram créait vraiment dans son travail une symbiose entre le mot et l'image et qu'en cela, il était très oriental, alors que la culture traditionnelle européenne est plus descriptive, moins conceptuelle. En peinture comme en littérature : on décrit, on représente le réel, on n'en cherche pas l'essence, dans sa brièveté même, alors que c'est, je crois, ce qui caractérisait le travail de Bayram : rechercher une sorte de présence magique, d'émerveillement ludique dans le quotidien.»

Anne Azanza-Sanciaud*

Direction de la Documentation des Bibliothèques de l’Université de Tours

*Anne Azanza-Sanciaud a en outre signé la préface du livre de photos « Rires d’Armes » de Bayram édité en 2002 par les Éditions ARTSIRIS